FILM: URS FISCHER D'IWAN SCHUMACHER
IL SEMBLE NE JAMAIS S'ARRÊTER...
Il a moins de 40 ans, il est connu internationalement et a exposé au Kunsthaus Zürich en 2004 mais aussi aux Etats-Unis, en Chine, à Venise, à Paris ou encore à Sydney. Le film d’Iwan Schumacher parvient à montrer l’incroyable productivité d’Urs Fischer, artiste suisse, touche-à-tout qui semble ne jamais s’arrêter… sauf pour l’affiche du film : une drôle de photo qui le montre endormi, les bras nus mais recouverts de végétation tatouée et tenant bien serré contre lui son petit chien, qui lui veille, de son air triste.
UNE SUPERSTAR, UN ARTISTE GLOBAL QUI RESSEMBLE À UN ROCK’N’ROLLER
Une fois de plus, le réalisateur Iwan Schumacher réussit à nous faire pénétrer dans l’univers d’un artiste contemporain. Après la poésie, la sensualité, la précision et la patience de l’artiste réfléchi qu’on avait découvert dans le documentaire sur Markus Raetz, le changement d’ambiance est total. Le rythme est ici rapide, la musique souligne la cadence infernale des travaux produits et livrés aux quatre coins du monde. Urs Fischer est une star de la scène artistique, un artiste du monde globalisé, on le voit entre deux avions, sur les périphériques de grandes métropoles, ou encore en discussion avec son commissaire d’exposition pour sa première exposition individuelle aux Etats-Unis, qui constitue peut-être un moment charnière de sa carrière et en tous cas le centre du film. Les moyens à sa disposition sont colossaux, il peut faire réaliser des personnages géants en bronze en Chine, après avoir commander leur prototype aux fonderies de St-Gall sur les bases d'une maquette numérique conçue à Olten. Il a une équipe autour de lui, presque une entreprise. Et pourtant il ressemble à un rock’n’roller, massif, un peu négligé dans l’habillement, concentré derrière une sorte de nonchalance, cool mais drôlement bosseur quand il le faut. Même s'il lui arrive de jouer à la playstation pendant plusieurs jours d'affilée...
S’IL A UNE MUSE, ELLE LUI A DIT AVANT TOUT DE S’AMUSER
On dirait qu’il a su garder en lui le goût du jeu, de la moquerie, un potentiel de fantaisie créatrice incroyable et la curiosité sans limites de l’enfance. Il n’hésite pas : dans ses expositions, les murs tirent la langue au visiteur qui s’approche ; On met les pieds sur la table à l’heure du Kir Royal (l’exposition du Kunsthaus Zurich en 2004), même si on n’a pas de jambes ni de tête et donc pas vraiment de quoi pouvoir goûter l’apéritif. On accroche des tableaux à un arbre géant, comme autant de cadeaux inateignables même parfois à l'oeil. Une femme-bougie se consume sous le regard impuissant du visiteur. Dans son travail, on relève le sens de l’humour, le goût de l’éphèmere, une belle spontanéité et une force de travail de titan. Les visuels de la pop, les personnages des bandes dessinée peuplent son monde éclectique et terriblement actuel. Il ne veut pas choisir, il veut tout : la photo, la sculpture, la peinture, les installations ! Il scie, il malaxe, il modèle lui-même à la main et, en même temps, il fait déplacer des montagnes de terre ou de béton et utilise la hightech. On sent qu’il a une faim insatiable de vivre. Presqu’une étrange boulimie même. La première chose qu’il a aménagé dans son espace new-yorkais, cela a été la cuisine, vaste, conviviale, avec un réfrigérateur XL et une longue table pour tous les amis qui gravitent dans sa vie et son travail.
DÈS SES DÉBUTS À ZURICH... IL SEMBLE BIEN ENTOURÉ
C'est peut-être cela son secret, il semble né sous une bonne étoile et ensuite avoir été bien entouré. D'abord très tôt repéré par la galeriste Eva Pressenhuber à Zurich, il a eu sa première exposition individuelle a à peine trente ans. C'était à Paris, au Centre Georges Pompidou en 2001. Laquelle est suivie peu après de celle du Kunsthaus Zurich. Il est lancé! Suivent la Biennale de Venise où il représente la Suisse avec Ugo Rondinone en 2007 et son entrée au Palazzo Grassi dans la collection Pinault. Présent aujourd'hui dans les galeries et les musées du monde entier, ayant joué avec à peu près tous les matériaux et dans tous les formats... on se demande ce qu'il lui reste à tester et à prouver dans les années qui viennent. Puisqu'à 36 ans, il n'en est encore qu'au début de sa carrière artistique. Bizarrement, le seul élément qui semble un peu absent du film (mais aussi peut-être de sa vie et de son oeuvre), c'est l'amour en quelque sorte...
Sandrine Charlot Zinsli WWW.AUX ARTSETC